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C’est son avis « L’agriculteur doit garder la main sur ses données »

François Moreau, délégué ministériel en charge du numérique et de la donnée, prépare un cadre sur l’utilisation de ces dernières.

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Garder le contrôle

Le développement d’une agriculture de précision à une échelle très fine induit une production très importante de données : modulation des doses d’engrais, de phytos ou d’irrigation dans une parcelle, tracés GPS des tracteurs et outils, rations alimentaires des animaux… L’agriculteur doit rester maître de ses données, c’est le premier enjeu. Il doit garder le droit de les utiliser comme bon lui semble et de les fournir à qui il souhaite pour alimenter un outil d’aide à la décision (OAD) par exemple.

Pour que les agriculteurs soient prêts à fournir ces données, il faut qu’ils puissent y avoir accès facilement et qu’ils soient sûrs qu’elles seront utilisées pour servir leurs intérêts et ne pas se retourner contre eux. C’est là le second enjeu : l’agriculteur doit conserver un contrôle de l’utilisation de ses données.

Aucune valeur

La valeur d’une donnée est quasi-nulle, c’est ce qu’on en fait qui crée sa richesse. Par ailleurs, les données d’un seul agriculteur valent peu mais leur compilation avec d’autres leur octroie de la valeur. Le pouvoir est à celui qui contrôle une multitude de données et les utilise. Si les entreprises du numérique ont compris ces enjeux, les agriculteurs doivent en prendre conscience.

L’intérêt de l’usager rejoint celui du fournisseur

Prenons l’exemple du secteur des transports. Les données GPS de nos voitures sont transmises aux fournisseurs de GPS. Elles servent à l’actualisation des cartes routières, ce qui profite au fournisseur, qui améliore son service, mais aussi aux automobilistes. On pourrait imaginer que le fournisseur les transfère aux services de police pour dénoncer des excès de vitesse ou aux assureurs pour signaler une conduite dangereuse. Ces derniers pourraient alors justifier une augmentation de la prime d’assurance de l’usager. Dans ce cas, les automobilistes arrêteraient rapidement d’utiliser les services de ce fournisseur pour se tourner vers des concurrents. Dans cet exemple, l’intérêt de l’usager rejoint celui du fournisseur. On peut penser qu’il sera de même dans le secteur agricole. Toutefois, il est préférable de cadrer l’utilisation de ces données pour éviter les dérives.

Les fabricants de robots de traite, par exemple, collectent des données très précises sur la qualité et la quantité de lait produit dans chaque exploitation. Elles pourraient être utiles à quelqu’un qui souhaiterait spéculer sur le marché du lait aux dépens des agriculteurs.

Politique nationale

Pour l’instant, chaque acteur du secteur agricole travaille de son côté et réfléchit aux conditions d’utilisation des données qu’il souhaite. Le ministère également. Il faudra que tous les protagonistes (syndicats, équipementiers, fournisseurs, instituts techniques, entreprises numériques…) se réunissent pour définir ensemble des bonnes pratiques que tout le monde s’engagera à respecter. C’est une condition pour le développement d’un écosystème de services numériques aux agriculteurs diversifié, qui est vital pour la création et un partage équitable de la valeur. Le ministère sera acteur de ces discussions.

Propos recueillis par Florence Mélix

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